Brasserie St Bernardus – St. Bernardus 12
Encore une dégustation d’une bière de haut niveau sur un verre à la main.
Avant toute confusion, je tiens à clarifier une chose : bien que vous soyez sur le point de lire une déclaration d’amour pour une autre, ma triplement douce Westmalle n’est pas cocu.
Ma maitresse d’aujourd’hui est la St. Bernardus 12. Une bière dont l’histoire est intimement liée à deux illustres fermentations houblonnées : la Mont des Cats et la Westvleteren 12. Pour ceux qui ne le savent pas encore, cette dernière est à la bière ce que le Graal est aux légendes arthuriennes, une convoitise absolue.
Brassée au compte-goutte et uniquement disponible sur place, la Westvleteren 12 fut longtemps considérée comme la meilleure bière du monde. Sa récente perte de titre ne l’inquiète pas. Elle trône encore au firmament du palais de ceux qui ont eu la chance de la gouter. La légende ne fait que grandir pour les autres (dont fait partie votre serviteur): ceux qui restent à sa quête.
Donc pour comprendre la St. Bernardus (puisque cet article est bien consacré à cette dernière) il est important de conter son histoire.
Tout commence en Flandre occidentale, à Watou : un petit village où le savoir-faire perdure et se transmet avec passion. C’est ici, au début du XXème siècle, que l’abbaye du Mont des Cats (qui brasse aussi une élégante bière) pose ses valises. Cette abbaye française fuit alors une terrible vague anticléricale.
Fraîchement installés chez leur voisin Belge, les moines vont fonder le refuge de « Notre Dame de Saint Bernard » dans une ancienne ferme. Ils y fabriquent et vendent du fromage pour financer leur expatriation.
Vers 1930, le climat français est plus favorable pour le clergé. L’abbaye du Mont des Cats décide donc de repartir sur sa terre natale. Mais la fromagerie des moines, elle, reste en Belgique. Le fromage est alors commercialisé sous la marque St. Bernard Watou.
Après la seconde guerre mondiale, l’abbaye voisine, celle de St. Sixtus à Westvleteren (désireuse de faire des économies) prend la décision d’arrêter de commercialiser ses bières. C’est la fromagerie St. Bernard Watou qui est choisie pour reprendre la marque.
Mais à Westvleteren, on ne veut pas que le savoir-faire disparaisse, ni que les bières qui portent leur nom perdent en qualité. Pour se faire, tous les secrets des moines ont été partagés: les techniques, les recettes et la fameuse levure St.Sixtus (du nom de l’abbaye de Westvleteren). La brasserie St. Bernardus est créée pour répondre aux exigences des moines.
Pendant 46 ans, c’est donc la brasserie de St. Bernardus qui a brassé et commercialisé les bières de Westvleteren, grâce au savoir-faire des moines de St.Sixtus.
Le contrat prend fin en 1992, date à laquelle Westvleteren récupère son nom. L’incroyable essor économique de la bière a déjà commencé et les bières d’abbaye sont très prisées des amateurs. St. Sixtus en veut logiquement sa part.
A partir de cette date les bières de St. Bernardus sont renommées mais les recettes quasiment inchangées. Une même recette, deux bières, nous sommes sur le point de goûter à ce qui s’approche le plus du graal : la St. Bernardus 12.
Attachez votre ceinture, votre palais va prendre une grande claque.
Sa mousse ivoire n’est pas particulièrement persistante mais une fine couronne surmontera longtemps une robe foncée et opaque. C’est une brune. Son apparence pourra en rebuter plus d’un mais il serait dommage de s’arrêter maintenant, la St. Bernardus sait y faire, le meilleur reste à venir.
Sa beauté, la St. Berdardus 12, elle ne l’expose pas, elle la partage. Son odeur, en premier lieu, nous laisse entrevoir une complexité propre à la féminité ; elle est insoupçonnée mais jouissive. Résistez, ne trempez pas vos lèvres avec avidité, plongez d’abord dans ses effluves fruitées. Plongez un petit plus profond, vous sentirez ses notes de caramel et de réglisses. Encore un peu, vous effleurez sa mousse et trempez vos lèvres. Vous y êtes, elle est en bouche.
En bouche, les premières impressions fruitées et sucrées se concrétisent avec d’avantage de complexité : une saveur de torréfaction l’enrobe. On ressent également de légères notes épicées qui relèvent son corps, poivre notamment. La fin de bouche vous révèlera des saveurs de chocolat et d’alcool (elle titre à 10°) pour une sortie tout en chaleur et en douceur.
La Westvleteren 12 est peut être aussi bonne, peut être meilleure mais, quand il est possible de se procurer sans difficultés la St. Bernardus 12, il n’y a aucune raison de s’en priver. Goûtez cette bière, appréciez la, elle vous le rendra.